Cours du vendredi 21 septembre: La description du centre commercial dans Regarde les lumières mon amour
Je vous ai montré comment faire une lecture analytique (LA) d'un texte pour l'épreuve orale du baccalauréat. la méthode est d'ailleurs la même pour le commentaire écrit.
Le texte que nous avons commenté est un extrait de l'oeuvre d'Annie Ernaux: Regarde les lumières mon amour. Dans l'eouvre, il figure aux pages 31 et 32 mais je vous l'ai distribué pour que vous puissiez écrire dessus accompagné de trois questions.
Nous n'avons pas tout à fait terminé l'étude du texte, il reste encore la troisième partie: en quoi le centre commercial a-t-il quelque chose d'inquiétant?
Pour les absents et pour ceux qui ont du mal à prendre des notes, je mets en ligne un document qui reprend ce que nous avons fait en cours:
Le texte que nous avons commenté est un extrait de l'oeuvre d'Annie Ernaux: Regarde les lumières mon amour. Dans l'eouvre, il figure aux pages 31 et 32 mais je vous l'ai distribué pour que vous puissiez écrire dessus accompagné de trois questions.
Nous n'avons pas tout à fait terminé l'étude du texte, il reste encore la troisième partie: en quoi le centre commercial a-t-il quelque chose d'inquiétant?
Pour les absents et pour ceux qui ont du mal à prendre des notes, je mets en ligne un document qui reprend ce que nous avons fait en cours:
La description du centre commercial
Introduction
Présentation de l'auteur:
Annie Ernaux est une auteure française
contemporaine. Elle est connue surtout pour le roman autobiographique La Place,
publié en 1983, dans lequel elle analyse les effets de sa propre ascension
sociale sur sa relation avec son père. Ses œuvres littéraires utilisent souvent
des démarches proches de la sociologie. C’est le cas de Regarde les lumières
mon amour, publié pour la première fois en 2014, puis réédité avec l’ajout
d’une postface en 2016.
Présentation de l'oeuvre:
Cet ouvrage est à mi-chemin entre l’essai et le journal
intime. Elle y relate ses passages à l’hypermarché Auchan de Cergy.
Présentation du texte:
Le texte
étudié se situe dans le prologue de l’œuvre, elle y décrit le centre commercial
des Trois-Fontaines, où se situe l’hypermarché.
Questionnement pour guider l'analyse du texte ( Problématique)
Quelle image du centre commercial se dégage de
cette description ?
Annonce du plan:
[1°] Nous montrerons tout d’abord à quel point
Ernaux s’applique à décrire de manière détaillée ce lieu pourtant familier,
[2°] Nous étudierons ensuite le lien entre le
centre commercial et l’idée du bonheur,
[3°] Nous montrerons enfin qu’il a aussi une
dimension négative.
Lecture à haute voix du texte
I. La description minutieuse d’un lieu pourtant
connu de tous:
1) Une précision documentaire
Le lieu est décrit avec de très nombreux détails,
afin que le lecteur puisse le visualiser : « il faut se représenter » le
centre, dit le texte (l.1-2). On trouve ainsi tout un champ lexical de la
géométrie, afin de décrire les formes (« rectangulaire » l.2, « perpendiculaire
» l.6, « superposés sur plusieurs niveaux » l.7, « entourent sur trois côtés »
l.8, « en forme d’arc » l.10, « structure géométrique » l.24, « se juxtaposent
», « de chaque côté d’allées à angles droits » l.25, « symétrie » l.26), des
précisions chiffrées aux lignes 8-10 (« trois côtés », « dix portiques », «
quatre colonnes », « deux toits »), mais également des indications concernant
les matériaux qui composent le bâtiment : « en briques rouge-brun » l.2, « en
vitres-miroirs » l.3, « en verre et en métal »l.10-11. La description est
méthodique, avec d’abord une vision extérieure du bâtiment, puis la liste des services
qu’il offre. Enfin, certaines précisions achèvent de donner une dimension
documentaire au texte, notamment la date de la construction du centre
commercial, 1972, ou encore la référence à une enseigne que chaque lecteur
connaît bien, la FNAC. Le lieu est ainsi ancré dans le réel.
2) L’objectivité sociologique
Les œuvres d’Annie Ernaux sont souvent à la
frontière de la sociologie. On le remarque lorsque, observant que plusieurs
lieux de sociabilité et de loisir (le cinéma, le café et la librairie) ont
disparu du centre, et qu’on n’y trouve pas de magasins de luxe, elle établit un
rapprochement avec le milieu social des habitants de Cergy : « La clientèle
appartient aujourd’hui majoritairement aux classes moyennes et populaires. »
l.21-22. Par ailleurs, la description paraît objective, la narratrice ne donne
pas explicitement son avis, elle décrit ce qu’elle voit. Cette volonté de
s’effacer du récit est caractéristique du style d’Ernaux, c’est ce qu’elle
appelle ‘’l’écriture plate’’, volontairement neutre et pauvre en effets
littéraires. Cela rapproche ses observations de la méthode des sciences
humaines, de la sociologie.
3) Renouveler le regard du lecteur sur le centre
commercial
Cette obsession à vouloir décrire dans les
moindre détails cette grande surface surprend le lecteur, car ce type de lieu
lui est familier, il n’a rien à apprendre de cette description si détaillée.
Tout le monde a déjà vu un centre commercial. En outre, ce genre de lieu n’est
pas considéré comme beau, il est donc déconcertant de voir un écrivain lui
consacrer un tel intérêt. Ernaux veut étudier ce lieu habituellement négligé
par la littérature, nous forcer à reconsidérer l’hypermarché, pour que nous
constations qu’il est le reflet de la société.
TR : La description du centre des Trois-Fontaines
est proche du documentaire. Malgré tout, on remarque des marques de
subjectivité et des effets de style, qui dessinent une image ambivalente du
lieu, entre admiration et inquiétude.
II. Le centre commercial, un monde dédié au
bien-être de la population
1) Un monde en soi
Le centre commercial se suffit à lui-même. Une
communauté entière peut y vivre, sans avoir affaire au monde extérieur : c’est
un monde en soi, qui obéit à ses propres règles déterminées par le groupe privé
qui le possède: « il est entièrement fermé, surveillé et nul ne peut y pénétrer
en dehors d’horaires déterminés. » (l.13-14) Dans la phrase « Ici sont
rassemblés sur trois niveaux tous les commerces et tous les services payants
susceptibles de couvrir la totalité des besoins d’une population » (l.16-17),
la répétition du déterminant « tous », accompagnée du mot « totalité », insiste
sur le fait que le centre commercial se suffit à lui-même. L’énumération qui
suit souligne encore cette idée : « hypermarché, boutiques de mode, coiffeurs,
centre médical et pharmacies, crèche, restauration rapide,
tabac-presse-journaux, etc. » (l.17-19)
2) Le lieu du rêve
Plusieurs indices suggèrent que le centre
commercial prétend atteindre une certaine perfection, proposer du rêve à ses
usagers. On a tout d’abord l’idée, présente au début et à la fin du texte, que
le ciel, symbole du rêve, de l’espoir, est présent jusque dans la structure du
bâtiment : la façade « est en vitres-miroirs reflétant les nuages » (l.3), et
le centre « est ouvert à la lumière du jour par une grande verrière qui
remplace le toit. » (l.27) En outre, les portiques d’entrée sont explicitement
comparés à ceux d’un édifice religieux, il « évoquent l’entrée d’un temple
mi-grec mi-asiatique » (l.9). Cette comparaison n’est pas anodine : dans la
société de consommation qui est la nôtre, on pourrait dire que le centre
commercial est devenu un nouveau temple, où les acheteurs trouvent l’espoir
d’une vie meilleure et le réconfort offerts habituellement par la religion.
3) Une description qui rappelle les utopies
Une utopie est un texte décrivant un monde
parfait, tel que l’imagine l’auteur. Thomas More, le premier à donner ce titre
à son œuvre au XVIe siècle, décrit ainsi minutieusement l’architecture des
villes de l’île d’Utopie, et l’organisation sociale parfaite de ce peuple.
L’utopie se caractérise par son homogénéité : tout est organisé selon un projet
unique (celui de l’auteur du texte), qu’il s’agisse de l’architecture, de
l’urbanisme, de l’éducation, de l’économie ou de l’organisation politique. Or,
on retrouve certaines de ces caractéristiques dans notre texte. Le centre
commercial est ainsi opposé à « Venise », (l.24) ville pleine d’histoire, qui
s’est construite petit à petit, jusqu’à former un « labyrinthe » de petites
rues tortueuses. Le centre des Trois-Fontaines, au contraire, se caractérise
par sa « symétrie » (l.26), tout a été construit en une seule fois, ou presque.
Tout est pensé pour proposer « sur trois niveaux » toutes les commodités
possibles, même une « crèche », « un prêt de fauteuils roulants » (l.16-19),
comme dans une utopie dont le concepteur a tout imaginé pour le bonheur des
habitants. Cette utopie, c’est celle de la consommation, et l’architecture du
lieu s’y conforme parfaitement.( à suivre pour la 3ème partie)
Lecture complémentaire distribuée en classe: un extrait de l'Utopie de Thomas More: la description de la ville des Amaurotes.
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