Poèmes lus et dits par Innocent Yapi lors de la rencontre ( 1°)


La libération du nègre
La négraille aux senteurs d'oignon frit retrouve
dans son sang répandu le goût amer de la liberté
Et elle est debout la négraille
la négraille assise
inattendument debout
debout dans la cale
debout dans les cabines
debout sur le pont
debout dans le vent
debout sous le soleil
debout dans le sang
debout
et
libre
debout et non point pauvre folle dans sa liberté et
son dénuement maritimes girant en la dérive parfaite
la voici :
plus inattendument debout
debout dans les cordages
debout à la barre
debout à la boussole
debout à la carte
debout sous les étoiles
debout
et
libre
et la navire lustral s'avancer impavide sur les eaux
[écroulées.
AIMÉ CÉSAIRE (MARTINIQUE)
Cahier d'un retour au pays natal. Présence Africaine.


La prière virile du poète
Et voici au bout de ce petit matin la prière virile
Que je n'entende ni les rires ni les cris
Les yeux fixés sur cette ville que je prophétise, belle,
Donnez-moi la foi sauvage du sorcier
Donnez à mes mains puissance de modeler
Donnez à mon âme la trempe de l'épée
Je ne me dérobe point. Faites de ma tête une tête de
[proue.
Et de moi-même, mon coeur, ne faites ni un père, ni un
[frère,
Ni un fils, mais le père, mais le frère, mais le fils,
Ni un mari, mais l'amant de cet unique peuple.
Faites-moi rebelle à toute vanité, mais docile à son
[génie
Comme le poing à l'allongée du bras !
Faites-moi commissaire de son sang
Faites-moi dépositaire de son ressentiment
Faites de moi un homme d'initiation
Faites de moi un homme de recueillement
Mais faites aussi de moi un homme d'ensemencement
Faites de moi l'exécuteur de ces oeuvres hautes
Voici le temps de se ceindre les reins comme un vaillant
[homme.
Mais les faisant, mon coeur, préservez-moi de la haine
Ne faites point de moi cet homme de haine
Pour qui je n'ai que haine
Car pour me cantonner dans cette unique race
Vous savez pourtant mon amour tyrannique
Vous savez que ce n'est point par haine des autres races
Que je m'exige bêcheur de cette unique race
Que ce que je veux
C'est pour la faim universelle
Pour la soif universelle
La sommer libre enfin
De produire en son intimité close
La succulence des fruits.
AIMÉ CÉSAIRE (MARTINIQUE)
Cahier d'un retour au pays natal


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